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Inauguration du Mémorial du camp de Rivesaltes - Irène Israël-Kraemer témoigne
Article du Bien Public du 16 octobre 2015
Un Veld'hiv à Dijon - Le Bien Public du 30 janvier 2014
Ce 8 mai 2012 a pris une signification bien particulière cette année à
Gémeaux. La commune a organisé une cérémonie au monument aux morts pour rendre hommage aux soldats
tués au combat. Mais elle a également dévoilé une une plaque en souvenir des familles juives réfugiées
dans le village et déportées
Discours de Sylvain Blandin de MEMOIRE(S)
VIVE(S)
Le 24 février 1944, deux familles juives originaires d’Alsace et qui avaient trouvé refuge pendant la
guerre à Gemeaux, y étaient arrêtées par la gendarmerie française, pour être déportées
et assassinées à Auschwitz.
Avant
de dévoiler une plaque à leur mémoire, il nous revient de rappeler leurs noms et de retracer ce que nous
savons de leur histoire de vie. Jules et Yvonne Levy - née Schuster - respectivement nés en 1890 et 1898, ils vivaient à
Gémeaux avec leur fille Jeannette, née en 1928,Sarah Schuster- née
en 1867 - et son mari Maurice né en 1860, parents d’Yvonne Levy et grands-parents de Jeannette,
vivaient avec eux à Gemeaux, tout comme Marie Levy, née en 1884, la sœur de Jules, et
Mélanie Lévy, née en 1863 la mère de Marie et Jules et grand-mère de Jeannette.Léon et Alma Levy, respectivement
nés en 1904 et 1906, vivaient encore à Gemeaux quand ils y ont été arrêtés avec leurs
petites filles Denise, née en 1934 et Micheline, née en 1935. Ces deux ménages, leurs enfants, trois grands parents et une tante, constituaient trois générations
d’une famille de commerçants alsaciens qui avaient été évacués d’Hagueneau lors de la déclaration de guerre, comme tous les habitants des régions frontalières.
Leur retour s’avérant impossible après l’annexion de l’Alsace au ‘Reich’
allemand - qui devenait dès lors, en juin 1940, une région ‘interdite aux Juifs’- ces familles avaient
trouvé refuge et s’étaient installées à Gémeaux. Des fermiers, M. et Mme Frey, leur
ont fourni un travail de commis et les ont logé. A l’automne 1940, les membres des deux familles se plient,
en bon citoyens, à l’injonction faite aux Juifs résidant en France de se faire recenser auprès
de la Préfecture de police. C’est ce fichier
‘juif’ qui permettra, le 19 février 1944, à la Sicherheitspolizei allemande
de fournir une liste de personnes à arrêter lors d’une rafle prévue pour le 24 février suivant.
En aval de cette rafle, la préfecture
avait transmis au commissariat de Dijon et aux Gendarmeries les noms et adresses des familles Levy-Schuster et Levy, parmi
bien d’autres. Ce jeudi 24 février,
ce seront 485 personnes qui sont arrêtées dans la région, dans les départements de Côte d’Or,
Saône-et-Loire, Yonne, Nièvre, Doubs, Haute-Loire, Jura et du Territoire de Belfort. Les familles Levy et Schuster seront, après leur arrestation,
transférées et internées dans l’enceinte de l'école Jules Ferry à Dijon, où
le samedi 26 février 89 personnes se trouvent rassemblées. Ils y resteront près d’une semaine. Le 29 février,
Maurice Schuster, âgé alors de 83 ans, est hospitalisé. Cette hospitalisation lui évitera la déportation.Le vendredi 3 mars, à 21h45 les 89 détenus
sont transférés de l’école Ferry à la gare de Dijon sous la surveillance de la police municipale.
A 23h10 accompagnés de 24 gendarmes et d’un officier ils sont acheminés de Dijon à
Drancy, le camp de transit en région parisienne, d’où ils seront déportés vers le centre
de mise à mort d’Auschwitz Birkenau par le convoi n° 69. Ce convoi
a acheminé 1501 personnes, soit 812 hommes et, 689 femmes, parmi lesquels 178 enfants. En 1945, seules 20 personnes
étaient encore en vie. Ce ne fut pas le cas de Jules et Yvonne Levy,
54 et 46 ans, de Jeannette Lévy, 16 ans, de Sarah Schuster,
77 ans, de Marie Levy, 70 ans, de Mélanie Lévy, 79 ans, de Léon
et Alma Levy, 40 et 38 ans et leurs petites filles Denise, 10 ans et Micheline,
9 ans tous et toutes assassinés le 7 mars par les nazis dans le cadre de la Shoah, au seul motif qu’ils étaient
nés juifs. Nous remercions tous ceux qui ont permis que leurs histoires
de vie aient été retrouvées et que leurs noms soient gravés et ainsi inscrits dans la mémoire
et l'histoire de Gemeaux. Nous tenons à vous remercier, monsieur le Maire, d'avoir ainsi permis qu'ils rejoignent la
communauté des humains, dont les nazis avaient voulu les effacer. Je me permets de vous proposer une minute de
réflexion et de silence à leur mémoire.
Communication de l’association
dijonnaise Mémoire(s) Vive(s) à l’occasion de l’inauguration d’une plaque commémorative
qui porte les noms de douze personnes ayant vécu à Châtillon-sur-Seine, victimes de la Shoah - Châtillon,
le 24 avril 2011. Châtillon-sur-Seine
est une ville de notre département qui a été particulièrement touchée par la Shoah. En juillet 1942, la police française a participé à une rafle d’une
importance jusque-là inconnue. Cette opération a conduit à l’arrestation de plus de 13 000
personnes. La rafle dite du Vél’ d’Hiv’, les 16 et 17 juillet 1942 à Paris, prenait pour cible
les Juifs étrangers et apatrides, les forces de police se sont servi d’un fichier recensant les Juifs, établi
par les services de Vichy, deux ans auparavant. En province, cette même
rafle était orchestrée plusieurs jours plus tôt qu’à Paris. En Côte d’Or, ce
sont les 13 et 14 juillet que s’est déroulée l’arrestation de plus de vingt personnes. Parmi eux,
Erna Kahn, qui habitait à Châtillon-sur-Seine. Le 13 juillet 1942
à sept heures du matin, deux gendarmes français se sont présentés au foyer de la famille Kahn
avec l’ordre d’arrêter Madame Kahn. Erna Israël Kahn était née en 1901 à Koenigsmacker,
une commune de Moselle alors annexée à l’Allemagne de Guillaume II. Elle s’est mariée à
Benjamin Kahn, un Luxembourgeois de dix ans son aîné, et le couple a eu une petite fille, Marguerite, née à Ettelbruck au Luxembourg en 1928. Depuis 1930, la famille Kahn résidait en Moselle, dans le village
natal d’Erna, redevenu français en 1918. Dès le début
/ de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement français a fait évacuer les populations civiles des communes
situées entre la ligne Maginot et la frontière allemande, car elles risquaient de se trouver dans la zone des
combats. C’est ainsi que la famille
Kahn, parmi les habitants de Koenigsmacker, a été évacuée, élisant provisoirement domicile
10 rue Pasteur, à Châtillon-sur-Seine ; une commune où ils vont demeurer, l’annexion de la
Moselle, en juin 1940, par le Reich ayant rendu impossible le retour d’une famille juive en Allemagne nazie. Le 15 juillet 1942, madame Kahn se trouve parmi 21 Juifs raflés en Côte
d’Or qui seront, après une brève détention à la Mairie de Dijon, transférés
en train vers le camp d’internement de Pithiviers, dans le Loiret. Le 20 juillet 1942, sa fille, Marguerite Kahn âgée de 13 ans, écrit au maréchal Pétain en personne et le prie de l’aider.
« Je viens d’apprendre l’affreuse nouvelle qu’elle est maintenant déportée en Pologne ». Le 17 juillet au matin, sa mère avait été déportée à Auschwitz-Birkenau par un
train de déportation, aujourd’hui connu sous le nom de ‘Convoi n°6’ qui transportait 928 personnes,
809 hommes et 119 femmes. C’était le premier convoi de déportation transportant des femmes et enfants. « Je pense qu’en
m’adressant à votre bonté », écrit Margot Kahn, « vous pourriez, Monsieur
le Maréchal, faire rentrer maman chérie dans notre foyer en détresse ».Cette démarche est soutenue par les enseignants du collège
de Margot : la lettre de la jeune fille est transmise au Préfet de Région accompagnée d’une
lettre de sa directrice d’école et de l’inspectrice d’académie qui souhaite ainsi ne pas trahir
« la confiance et l’espoir d’une petite fille dans la puissante bonté de notre Chef ». Margot ne reçut pas de réponse. Erna Kahn a été assassinée le 19 juillet, dès
son arrivée à Auschwitz.La
‘réponse’ à sa lettre, Margot la trouvera le 9 octobre 1942, jour de son arrestation et de celle
de son père Benjamin par la gendarmerie. Tous deux sont déportés le 11 novembre 1942, par le convoi n° 45 et seront, eux aussi, assassinés.En effet, depuis l’été 1942, les arrestations ne concernaient plus seulement
les Juifs étrangers, mais également les Juifs français. Le
28 octobre 1943, la gendarmerie a également procédé à Châtillon, à l’arrestation
d’une autre famille : Sonia et Rubin Blatt, respectivement nés en 1893 et 1894. Le couple, d’origine polonaise, s’était installé à Châtillon
à la fin des années 1920 avec ses deux enfants, Eugène et Marguerite,
nés en 1923 et 1926 à Nancy. Leur troisième enfant, Jean, est né à Châtillon en 1929.
En 1930, les époux Blatt obtenaient
la nationalité française. Rubin Blatt travaillait comme ouvrier du bâtiment. Lorsque la gendarmerie est venue arrêter la famille, le plus jeune
des enfants était apprenti menuisier, et sa sœur Marguerite poursuivait ses études.L’aîné, Eugène, qui réussit à échapper
à son arrestation, se cachera jusqu’à la fin de la guerre. Sonia et Rubin Blatt et leurs deux jeunes enfants,
ont été transférés à Drancy, le grand camp en banlieue parisienne où étaient internés les Juifs raflés de toute la France,
avant leur déportation vers Auschwitz. Les Blatt y seront détenus durant presque un mois, en l’attente
de leur déportation, le 20 novembre 1943 par le convoi n°62. Un autre Châtillonais, Julien Israël fait également partie
de la liste de ce convoi. Nous savons de lui qu’il était né à Koenigsmacker. Frère de Erna
Kahn, agé de 38 ans, berger de profession, il avait également été contraint de s’installer
à Châtillon suite à l’évacuation des Mosellans en 1939. A la fin de 1943, une seule famille juive domiciliée à
Châtillon-sur-Seine demeurait encore sur les listes de la police : la famille Rueff.Noé Rueff, dit Jules, était né en 1876 à Pfastatt, près de Mulhouse. Sa femme Jeanne,
alsacienne également, était née à Strasbourg en 1888. Le couple s’était installé, au cours
des années 1910, à Châtillon, où Jules Rueff a fondé
un commerce de chaussures. Leurs quatre enfants, René, Henriette, Raymond et Roger, naîtront à Chatillon en 1909, 1911,
1915 et 1917. Roger, le cadet, deviendra instituteur. Sa carrière sera brusquement interrompue en avril 1943 lorsqu’il
est démis de ses fonctions parce que juif. Il enseignait alors à la Roche-en-Brenil dans le Morvan.Suite aux arrestations
successives des Juifs de Châtillon, y compris les enfants, les Rueff quittent alors la ville pour rejoindre leur fils
Roger à la Roche-en-Brenil, leur fils aîné René, un ouvrier minier de 34 ans, les y rejoint. Jeanne et Jules Rueff, ainsi que leurs fils Roger Antoine et René Jacques
ont été arrêtés en février 1944. Transférés à Drancy, ils ont été déportés par le Convoi n ° 69, du sept mars 1944. C’est ainsi que Châtillon-sur-Seine a perdu
douze de ses habitants durant la Shoah, certains y étaient nés : trois familles disparues, assassinées
sans laisser de trace, parce qu’ils étaient nés et désignés comme juifs. Ils étaient menuisier, commerçant, berger, instituteur ou
écolier… Nous remercions tous ceux qui ont permis que leurs
histoires de vie aient été retrouvées et que leurs noms soient gravés et ainsi inscrits dans la
mémoire et l'histoire de Châtillon sur Seine. Nous tenons à vous remercier, monsieur le Maire, d'avoir
ainsi permis qu'ils rejoignent la communauté des humains, dont les nazis avaient voulu les effacer. Je me permets
de vous proposer quelques instants de réflexion et de silence à leur mémoire.
Cathie Kaluski, a grandi avec le poids de l’Histoire sur les épaules : sa tante et
sa grand-mère ont été déportées à Auschwitz. http://www.bienpublic.com/grand-dijon/2011/07/18/deportation-pour-ne-pas-oublier
Le témoignage ci-dessous a fait l'objet d'un film tourné en 1997 par l'équipe
de Steven Spielberg. La video est consultable au Mémorial de la Shoah parmi de nombreux témoignages d'internés
en France dans le registre "Survivors of the Shoah"
MA DEPORTATION Irène ISRAËL née Krämer
(Des extraits de ce témoignage ont
été repris dans le n° 2446 du 22 au 28.10.2009 du Nouvel Observateur page 26) J'ai été déportée avec ma grand' mère, mes parents et mon frère, de Mannheim
(Allemagne) au camp de Gurs dans les Basses-Pyrénées, le 22 octobre
1940 avec les 6'500 personnes de Baden, Palatinat et Sarre. Voici mon témoignage.
Je me suis attachée à décrire les faits vécus durant ces 4
années sans m'attarder sur nos angoisses et autres inquiétudes ressenties pendant cette période.
C'est le 22 octobre 1940 au petit matin que la police sonna à notre porte
et nous donna deux heures pour nous préparer à un départ immédiat. Nous n'avions le droit d'emporter
que 2 valises par personne. Avec l'accord du policier, nous pûmes conduire notre grand' mère à l'hôpital
juif de Mannheim en espérant qu'elle échapperait à la souffrance du climat et aux dures conditions de
vie dans un camp de travail (destination présumée). Après un voyage pénible de 4 jours dans un
train de voyageurs sans boisson et sans nourriture, nous arrivâmes dans un camp qui n'était absolument pas préparé
à recevoir 6'500 personnes. Les baraques en bois dans lesquelles nous logions laissaient passer la pluie. Notre couchage
était constitué de paille à même le sol. Notre chef de baraque était une ancienne internée
qui essayait d'organiser la vie au mieux dans cet endroit où devaient vivre 100 personnes. Le camp était divisé
en îlots. Naturellement, nous étions séparées de mon père et de mon frère qui étaient
obligés d'habiter avec les déportés masculins. Peu de jours après notre arrivée, nous fumes,
ma mère et moi, informées qu'une certaine Madame Hirsch - notre grand' mère- nous cherchait et qu'elle se trouvait dans un autre îlot, soit-disant
dans une infirmerie: Notre grand-mère avait donc voyagé toute seule sans nourriture et sans boisson durant 4
jours. Il nous fallut un laisser-passer du chef d'îlot (souvent absent) pour être autorisées à aller
dans l'autre car il était interdit de circuler d'un îlot à l'autre. Malgré ces difficultés,
nous pûmes rejoindre notre grand-mère et nous la retrouvâmes dans un état lamentable. Nous eûmes
du mal à la reconnaître, ce n'était plus la grand' mère que nous avions connue. Elle nous reconnaissait
à peine. Les infirmières n'avaient aucun moyen de soigner toutes ces pauvres femmes qui avaient perdu le sens
de la réalité. Les nazis avaient vidé complètement l'hôpital israélite de Mannheim
de tous ses malades; ceux-ci se trouvaient donc, comme ma grand-mère, dans le train de la déportation. Début janvier 1941, les autorités
du camp de Gurs décidèrent finalement de transférer ces malades à l'hôpital de Lannemezan
près de Tarbes dans des camions non bâchés. C'est au bout de 15 jours que nous reçûmes un
avis de décès de notre grand-mère. Elle ne survécut que 2 semaines après son départ
de Gurs. Quant à nous, nous observions la pluie qui n'arrêtait pas de tomber
depuis notre arrivée fin octobre 1940. Nous étions obligées de dormir sous nos parapluies et nous étions
souvent réveillées par des rats qui sautaient autour de nous. Pour rejoindre les latrines qui se trouvaient
loin de nos baraques, il fallait marcher dans la boue. Les personnes âgées perdaient leur résistance à
cause du manque de nourriture et d'hygiène. Le matin, nous recevions une tasse de semblant de café, de la confiture
allongée avec de l'eau et un morceau de pain. A midi, une soupe de navets et quelques carottes et le soir la même
chose que nous finissions avec notre bout de pain. Il fallait surtout veiller à notre hygiène en faisant notre
toilette dans une baraque où se trouvaient plusieurs robinets d'eau. Dans l'impossibilité de fermer les portes,
nous étions toujours en plein courant d'air mais il fallait surtout ne pas nous négliger afin d'éviter
les poux et les poux de corps qui s'introduisaient dans les coutures de nos vêtements et qui provoquaient le typhus
et d'autres épidémies. Fin décembre 1940 ma mère fut atteinte de dysenterie et perdit connaissance. Elle fut admise à
l'infirmerie de notre îlot où elle fut soignée sans médicament. Elle reçut seulement un
peu de gruyère et de la pomme crue. En lavant son linge souillé, je pris froid et je fus atteinte d'une pleurésie.
Pour me soigner, le médecin (déporté comme nous) avait comme seul remède des enveloppements de
savon noir. C'est par miracle que nous avons survécu à ces épreuves. Dans ce camp mourraient environ
vingt à trente personnes par jour. Début janvier 1941, on nous fit savoir que les familles ayant des jeunes enfants allaient être transférées
au camp de Rivesaltes (Pyrénées orientales) dans lequel les baraques étaient construites en pierre. Nous
étions concernés car mon frère n'était âgé que de 15 ans. Le climat était
rude et la tramontane soufflait si fort que nos soupes (toujours navets et carottes) dans nos boîtes de conserves se
répandaient sur nos vêtements. Beaucoup d'internés moururent en peu de temps. La vermine, les puces, poux et punaises s'acharnaient sur nous
et contribuaient à la prolifération des épidémies. Ma mère souffrait à nouveau de
dysenterie. Ce fut grâce à un ami de notre famille qui lui apportait de l'élixir parégorique, qu'elle
put être sauvée. Mon père était vaguemestre de la poste du camp et mon frère et moi l'aidions.
Ainsi occupés, nous pensions moins à la faim qui nous tenaillait. Nous nous trouvions, ma mère et moi,
dans l'îlot K et la poste était dans la même baraque que les bureaux du chef d’îlot. En mai
1941, notre îlot fut divisé par des fils de fer depuis la baraque du chef. Nous trouvions cette décision
très étonnante. Nous devions apprendre par la suite qu'il s'agissait de préparer la déportation
des internés vers Drancy. C'est à cette période que mon frère et moi fûmes convoqués dans la baraque de l'O.S.E.
pour y rencontrer Vivette Samuel et Andrée Salmon, toutes deux responsables des Eclaireurs Israélites de France.
Ces personnes, pleines de courage et de dévouement, nous proposaient de sortir du camp de Rivesaltes pour rejoindre
un groupe de jeunes Juifs à Charry, près de Moissac (Tarn et Garonne). C'est avec une joie immense que nous
acceptâmes leur proposition. En dépit de la douleur qu'ils éprouvèrent à l'idée de
nous voir partir, nos parents nous laissèrent aller vers l'inconnu. Nous nous écrivions régulièrement
et nous essayions de leur faire parvenir quelques victuailles trouvées avec difficulté pour tenter d'assouvir
leur faim.
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Photos de la famille Krämer - Camp de Rivesaltes -
Eté 1941 Début
août 1941, nous étions sans nouvelles: un évènement terrible se préparait. Le responsable
de notre groupe à Charry, Isaac Pougatch, nous prit à part pour nous informer que des "départs"
du camp de Rivesaltes vers l'Est avaient commencé. Nous pressentions un malheur imminent. Le groupe, tous Juifs français,
craignait pour nous, Juifs étrangers. ils organisèrent avec nous une cachette dans la forêt en contrebas
de la propriété. On nous apportait tous les jours un peu de nourriture. La pluie tombait et certains souffraient
d'angines. Nous dormions à dix sous une tente, près d'une source où nous pouvions faire notre toilette.
Nous redoutions les promeneurs cherchant des champignons. Un jour nous apprîmes que les gendarmes arrêtaient
les juifs étrangers. Nous devions donc quitter notre cachette pour une nouvelle destination. Nous fûmes donc,
les dix jeunes du camp de Rivesaltes séparés les uns des autres. Mon frère et quelques autres furent
dirigés vers un orphelinat et moi, vers un couvent dans la région de Moissac, avec une camarade. Les Sœurs
nous apportaient des légumes à éplucher dans notre chambre que nous ne devions pas quitter. Afin de nous
perfectionner dans la langue française, elles nous prêtaient des livres et les récits nous permettaient
de faire des dictées. Je n'avais plus de nouvelles de mes parents et de mon frère depuis début 1942.
Je ne savais pas si ce dernier avait réussi à passer en Suisse avec son groupe E.I. Entre-temps les
Eclaireurs Israélites avaient cherché des familles françaises disposées à recevoir des
enfants et des jeunes gens juifs. Pour nous cacher, nous, les jeunes filles du camp de Rivesaltes. les E.I., en particulier
Roseau Bloch (maintenant Nicole Klein), avaient pu entrer en relation avec des familles protestantes de la Montagne Noire.
Elle put trouver une ferme vide et nous fûmes logées aussi bien que possible. Nous passions pour des éclaireuses
protestantes. La nourriture était plus que maigre et consistait en un peu de lait et de pain. Le Pasteur Cook du village
de Vabre (qui reçut la médaille des Justes) venait nous apprendre à chanter des cantiques pour l'office
du dimanche au temple. Fin septembre
1942, il commençait à faire froid dans la montagne et Roseau nous dirigea vers d'autres lieux. Ainsi j'arrivais
à Lautrec: Chantier Rural des E.I. créé par Castor (Gamzon) et son épouse Pivert. Je fus
dirigée vers un groupe agricole composé de quatre garçons dont l'un était ingénieur agronome,
l'autre médecin, un autre employé de banque et le dernier commerçant. Nous étions des métayers.
Les garçons travaillaient la terre et obtenaient de bonnes récoltes de blé, d'orge, d'avoine et de maïs.
Pour ma part, je m'occupais de la basse-cour (poules, canards et oies) et de l'entretien de la maison. J'espérais pouvoir enfin
poser mon sac à dos et rester un moment à un endroit stable. Etant toujours sans nouvelles de mes parents et
de mon frère, je vivais dans une grande angoisse. Différents visiteurs du Chantier (devenu Ecole pour adolescents
formés par de jeunes étudiants juifs) m'apprirent par hasard que les internés du camp de Rivesaltes avaient
été transférés à nouveau au camp de Gurs. Pour sortir de ce camp, il était proposé
aux hommes de travailler dans la mine de charbon de Gardanne. Mon père accepta ce dur labeur ayant reçu l'assurance
du chef du camp que ma mère le suivrait. Ce qui arriva. J’appris par courrier qu'ils étaient dans un camp
de travailleurs étrangers. Peu de temps après leur libération de Gurs, je reçus un télégramme
m'annonçant: Mère malade (c'était notre code). J’allais donc, munie de faux papiers établis
par les E.I., les cacher chez un paysan à Valence d'Albi. Nous retrouvâmes la trace de mon frère, âgé de 16 ans, à
la prison d'Annecy. En voulant passer la frontière suisse, un douanier l'avait découvert et l'avait livré
à la Gendarmerie Française. Son procès eut lieu, un Pasteur du camp de Rivesaltes témoigna en
sa faveur, déclarant l'avoir connu comme bon éclaireur dans sa troupe de scouts protestants. Après nos
différentes démarches, ce pasteur André Dumas, obtint à Paris la médaille
des Justes en mars 1995. Il décéda quelques temps plus tard. Mon frère Helmut KRÄMER put donc être
libéré et me rejoignit à Lautrec. L'imminence d'un risque d' arrestations entraîna la liquidation
du Chantier de Lautrec. Je travaillais donc avec une camarade de Lautrec comme surveillante dans une maison d'enfants. Ces
derniers avaient été évacués de Narbonne car on craignait le débarquement dans cette région.
J'avais un petit
salaire qui me permettait de payer la pension de ma mère au fermier qui hébergeait mes parents. Mon père, en revanche, travaillait aux champs. Mon frère rejoignit le maquis
des E.I. dans la Montagne Noire. Aussitôt que cela lui fut possible, il partit à pied avec un groupe sioniste
à travers les Pyrénées vers l'Espagne pour embarquer vers la Palestine. Il y séjourna à
Deganya B. Nous sommes trop peu nombreux à
nous retrouver vivants après la Libération et je ne remercierai jamais assez notre D. de nous avoir protégés
dans notre si grande misère et de nous avoir fait connaître un
vrai miracle. Je me suis mariée avec un camarade
de Lautrec, Claude Israël, décédé en 2003 et j’ai trois enfants, deux petits-enfants et une arrière petite-fille. Naturellement, je n'ai pas voulu donner tous les détails des dangers encourus depuis notre sortie du camp et
de ma vie sous une fausse identité, dans un pays inconnu dont je ne possédais pas la langue. Mes parents ont rejoint mon frère en Israël et sont décédés en mai
1965 à douze jours d'intervalle, cardiaques depuis leur sortie du camp.
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Stèle en mémoitre des Juifs dijonnais assassinés par les
nazis
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CHAUMERGY - UN GRAND NOMBRE
DE JUIFS ACCUEILLIS ET HEBERGES EN 1940 En 1940, un village du Jura : CHAUMERGY proche
de la ligne de démarcation, a hébergé un nombre important de juifs chassés d’Alsace ;
il y avait des personnes âgées, des femmes seules, d’autre avec des enfants. Tous ont été
accueillis et aidés par les habitants de CHAUMERGY. Beaucoup d’entre eux sont restés jusqu’à
la fin de la guerre, plus de 7ANS pour certains sans avoir été inquiétés. J’ai retrouvé une soixantaine de nom grâce aux tickets de rationnement à
la mairie, j’ai pu savoir par les témoignages des habitants que beaucoup d’hommes travaillaient soit au
garage PROST, soit à la laiterie, etc.… Les
noms, lieu de naissance, date de naissance de ces familles m’ont été confiés par le maire actuel.
Je vous énumère certains, TOUS viennent du BAS RHIN ou du HAUT RHIN : - Mr PETER Joseph, conducteur de tramway né le 1/01/10907 à MULHOUSE
HR -
Me SKURNIK Perla Née FUSS sans profession née le 24/07/1896 à KALIZ en POLOGNE -
Mr CAHN Bernard tapissier né le 17/06/1878 a DAUENDORF BR -
Me CAHN Mélanie née ROSS le 5/06/1870 ROMANSWILLER BR -
Me LEVY Simone née le 12/02/1929 à HAGUENAU BR.
Cette Personne a été retrouvée et habite à Strasbourg aujourd’hui et m’a expliquée
qu’elle a été cachée chez mon arrière grand-mère : Louise PROST, Restauratrice
à Chaumergy et qu’elle y a passée toute son adolescence. - Mr LEVY LIPPMANN né le 19/03/1859 à MONMENHEIM BR -
Mr BEHR Jules né le 4/08/1856 à NEUVILLER HR -
Mr HIRSCH Charles né le 21/10/1861
à MATTSTATT HR - Mr
HALLEL Frédérique né le 2/10/1885 à REGUISHEIM HR -
Me WEILL Renée -
Mr MEYER Max né le 16/01/1882 à WEITERSVEILLER BR - Me MEYER- LEVY Henriette
Née le 11/02/1877 à WINGERSHEIM BR - Me WEILL Hélène née
le 15/02/1913 à WINGERSHEIM BR - Mr TROXLER René né le
5/12/1905 à CHATENOIS (territoire de Belfort) -
Mr BLOCK Jules (voyageur de commerce) né le 14/10/1936 à COLMAR
HR - Mr
LEVY Robert (employé de commerce) né le 8/09/1915 à STRASBOURG - Me GINDZBURGER Léonie née
le 14/03/1897 à HAGUENAU BR -
Me MARX Clarisse née le 7/11/1859 à HERMONCOURT dans le Doubs (veuve) - Mr MARX René
né le 21/10/1897 à PELLERING HR - Me WAHL Marie née le 11/07/1876
à YSSENHEIM HR -
Me LEVY Rosalie née 20/10/1852 à HORBURG HR - Me BLUM Anne née le 19/01/1869 à BAUXVILLER BR - Mr LEVY Samuel né
le 22/12/1867 à WINGERSHEIM BR - Me MAYER Rachel née le 3/12/1868
à WINTZENHEIM HR -
Mr SKURNIK Samuel né le 21/08/1859 à KALISZ en Pologne - Mr HINDERZE Auguste (Charretier) né le 14/10/1902 à EPINAL dans les Voges
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- Me SKURNIK Rosalie née le 28/07/1929 à HATTSTATT HR - Me LEVY Renée née le 23/06/1916 à ELLERICH-THURINGE HR -
Me WEILL Henriette née le 27/12/1875 à GEROTHEIM BR -
Me MAY Jeanne née le 7/11/1875 à GEROTHEIM
BR -
Me LEVY Alice née le 26/01/1901 à KUTTOLSHEIM BR -
Mr MAY Gustave né le 16/10/1871 à KUTTOLSHEIAM BR -
Me RAUEFF Suzanne né le 7/05/1900 à MORTEAU dans le Doubs - Mr LEVY Babette née le 13/08/1880 à SHUTH BH - Mr ELSTEIN Paul né le 11/10/1901 à WINTZENHEIM HR - Me LEVY Florence née le 25/12/1887 à REGUISHEIM HR - Me FRANCK Fanny née le 03/11/1889 à HOCHYELDER BR - Me WEILL Hermence née le 9/12/1881 à WINTTERSHEIM B.R - Mr WEILL Henri né le 29/6/1867 à KUTTOLSHEIM B.R -
Mr WEILL Moise né le 28 Juin 1875 à KUTTOLSHEIM B.R -
Me MEYER LEVY Henriette née le 11 /2/1877 à WINGERSHEIM B.R -
Mr MEYER Max né le 16 /1/1882 à WEITERSWEILLER B.R - Me BLOCK Edith né le 19/9/1907 à BREME
en Allemagne -
Me LEVY Mélanie née le 16 /1/1878 née le 16/1/1878 à MERTSWILLER B.R -
Mr LEVY Lucien né le 11/10/1903 à WINGERSHEIM B.R MARIAGE
MR LEVY Lucien et Melle ROUEFF Suzanne DECES MR LEVY LIPPMANN
LE 29/1/1943
ME LEVY ROSALIE
LE 9/1/1944 MR
SKURNICK SAMUEL LE 29/1/1944 SI VOUS FAITES PARTIE DE CETTE LISTE OU SI VOUS
RECONNAISSEZ LE NOM D UN DE VOS PROCHES, CONTACTEZ MOI PAR L'INTERMEDIAIRE DU SITE EN REMPLISSANT LE FORMULAIRE
(contact us) CI-DESSOUS . GRACE A VOUS NOUS POURRONS REUNIR DES TEMOIGNAGES POUR CONSTITUER UN DOSSIER COMPLET
A YAD VASHEM ET AINSI FAIRE RECONNAITRE BEAUCOUP D'HABITANTS DE CHAUMERGY COMME JUSTES ET PEUT ETRE LE VILLAGE ENTIER
SEULEMENT SI NOUS RETROUVONS ASSEZ DE FAMILLES JUIVES POUR RACONTER CETTE PERIODE OU ILS ONT PU ETRE CACHES. CATHERINE MEIMOUN
Juin 2010: Simone Griffel née
Levy témoigne de l'accueil chaleureux donné par les habitants de Chaumergy (39) aux réfugiés
juifs d'Alsace. Elle avait 10 ans à l'époque et se rappelle de la gentillesse et l'humanité des habitants
du village ainsi que de la famille Prost avec qui elle garde des liens. Dans son témoignage, elle mentionne le fait
que les réfugiés n'ont jamais été inquiétés pendant toute la durée de la
guerre. Voilà un village qui mérite la médaille des Justes. JCM
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Léopold Kaufmann, né en 1885, était ministre-officiant
à Obernai dans une des plus jolies bourgades d’Alsace. Comme tant d’autres, il a dû fuir avec sa
famille devant l’arrivée de l’armée allemande en 1940. Réfugié à Bourbonne-les-Bains
dans le département des Vosges, il tenta de rejoindre la ligne de démarcation à la veille d’un
contrôle de la Gestapo (probablement sous dénonciation d’un habitant de la ville). Il essaya de fuir vers
la zone libre qui se situait sur la Saône à Chalon. Mais il n’eut pas le temps d’y arriver car un
contrôle près de Lons-le-Saunier lui fut fatal. Arrêté, il fut emmené à Champagnolle
puis écroué dans le fort d’Hauteville près de Dijon. Français, mais juif, il séjourna
dans ce fort, gardé par des Français, puis fut transféré à Drancy la même année.
Puis comme 78000 autres Juifs français, femmes et enfants, il fut déporté à Auschwitz d’où
il ne revint jamais. Le convoi n° 35 septembre 1943 fut son dernier voyage. Léopold Kaufmann avait
57 ans. Son nom figure sur le mur de la déportation à Paris ainsi que sur les registres de Yad Vashem. ………..C’était
mon grand-père. Jean-Claude Meyer
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